Présentation de la Pédagogie Freinet
Nous avons regroupé les activités, les techniques en cinq ensembles : l’expression, la communication, la recherche, l’organisation coopérative et l’évaluation.
Ces activités et techniques forment un système. Il ne peut pas y avoir de communication s’il n’y a pas d’expression, pas de recherche sans communication ni expression, pas d’organisation coopérative s’il n’y a ni activité à organiser, ni programmation des présentations des travaux issus de l’expression, ni règles de vie ni responsabilités en vue d’une autonomie propice à l’expression, à la communication et à la recherche. L’évaluation est nécessaire, sa forme doit être en cohérence avec les techniques mises en œuvre.
Mais la Pédagogie Freinet ne se résume pas à un ensemble de techniques. Elle ne peut se pratiquer sans différents arrière-plans. Qu’on le veuille ou non, enseigner est un acte politique et la Pédagogie Freinet se situe résolument dans la lutte contre les déterminismes sociaux, pour l’éducabilité de tous. Beaucoup d’enseignants choisissent la PF non seulement pour sa dimension pédagogique mais aussi pour sa dimension politique, sociale, psychologique ou philosophique.
Marcel Thorel
Quoi de neuf ?
Terme issu de la pédagogie institutionnelle et qui désigne un moment institutionnalisé dans la classe, assez proche de celui de l’entretien, au cours duquel l’enfant peut dire aux autres enfants ce qui lui tient à cœur, et où il est donc possible « d’entendre et de s’entendre avec les enfants » (Oury et Vasquez, 1971, I, p.213).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 305)
Texte libre
Institution, technique emblématique de la pédagogie Freinet, le texte libre est un écrit libéré des contraintes qui, d’ordinaire, sont imposées aux enfants en situation d’écriture à l’école. L’élève a la liberté du sujet, de la forme, du genre, du registre, de la taille du texte et, pour certains enseignants qui poussent la logique plus loin, la liberté du moment. Le professeur peut compter en effet sur la classe coopérative – les outils, le groupe, les moments d’échange, etc. – pour susciter le désir et donner les moyens d’écrire. Il s’agit d’offrir à des enfants, à des jeunes, la possibilité de développer leur pensée par l’écrit, de le soumettre à la critique de leurs pairs, de le confronter à d’autres écrits d’enfants ou d’adultes pour leur donner accès à une expression personnelle.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 356)
Étude du milieu
En pédagogie Freinet, l’étude du milieu se définit comme une manière originale d’appréhender les sciences, l’histoire et la géographie : partir au maximum du point de vue sensible des personnes-sujets sur leur milieu de vie, de leurs intérêts, de leurs connaissances et des ressources disponibles sur place.
[…] Bien des institutions de la pédagogie Freinet peuvent être de près ou de loin rattachées à l’étude du milieu. Au point de départ, le Quoi de neuf (ou entretien) ou le texte libre sont souvent des moments d’émergence de questions sur le milieu ; la sortie, l’enquête et la recherche documentaire, les moyens de tenter d’y répondre ; la correspondance, une source de nouvelles interrogations ; les présentations et les conférences, l’occasion d’institutionnaliser les savoirs abordés.
Si bien que l’étude du milieu est une préoccupation centrale en pédagogie Freinet. Elle traverse la quasi-totalité des activités de la journée.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 166)
Responsabilité
C’est ainsi que l’on nomme, en général, les tâches qui facilitent l’organisation matérielle du travail pour initier les élèves à la gestion de la classe. En pédagogie Freinet, c’est le conseil des enfants qui décide de l’attribution de ces responsabilités qu’on appelle parfois aussi les métiers et qui relèvent d’une organisation coopérative.
[…] Les responsabilités sont aussi nombreuses que les micro-tâches à assumer dans une classe et varient en fonction de l’organisation. Voici, à titre d’exemple, une partie de la liste des quarante-cinq « métiers » d’une classe de CM. Responsables : lumières, portes, fenêtres, corbeilles, tableaux, panneaux d’affichage, trésorerie de la coopérative, fichiers (lectures, opérations, conjugaisons, etc.), matériel de sport, rangs, bibliothèque, poisson rouge, hamster, journal, correspondance, ordinateurs…
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 329)
Entraînement
En pédagogie Freinet, les exercices d’entraînement, indispensables pour acquérir des automatismes, approfondir des connaissances ou des compétences et ancrer de façon durable certains apprentissages, sont partie intégrante du processus de tâtonnement expérimental. Ils sont donc le plus souvent construits par l’enseignant en lien avec les erreurs ou les besoins apparus dans les travaux individuels ou collectifs, pour être au plus près du vécu de chacun et du groupe. Mais de nombreuses classes utilisent, en complément, des fichiers autocorrectifs qui facilitent la personnalisation et l’individualisation des apprentissages ainsi que l’autoévaluation.
Les exercices d’entraînement peuvent être programmés dans un plan de travail.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 150)
Désir - Puissance de vie
Ce qui paraît introduire au cœur de la pensée de Freinet, c’est l’idée d’un « principe de vie qui pousse [l’être humain] à monter sans cesse, à croître, à se perfectionner, à se saisir des mécanismes et des outils, afin d’acquérir un maximum de puissance sur le milieu qui l’entoure » (1947c, éd. 1994, II, p. 228-229). En affirmant que « la vie est », et en sollicitant de façon répétée l’idée de « puissance de vie », Freinet énonce ce qui constitue le fil directeur de toute sa pensée : la nature tout entière est traversée par cette force créatrice, cette puissance qui pousse les êtres vivants à croître et à persévérer. C’est cette force qui préside à l’activité naturelle des enfants.
[…] Ce « principe de puissance de vie » se confond avec celui de « désir » chez de nombreux philosophes dont on peut penser que Freinet s’est inspiré. En effet, l’idée n’est pas nouvelle et se trouve déjà formulée par Aristote ; « Il n’y a qu’un seul principe moteur, « faculté désirante » (Traité de l’âme, III, 10). Le désir, c’est le moteur des apprentissages. Non pas simplement le désir de telle ou telle chose, non pas le caprice, ni le désir de pouvoir sur les autres, mais le désir comme faculté, comme puissance désirante. Spinosa aussi affirme la structure désirante de l’homme. Pour lui, le désir n’est pas de l’ordre du souhait ou du projet. Désirer, c’est persévérer dans son être, c’est être déterminer à faire, à agir. Être, agir et désirer sont une seule et même chose ; le désir est l’essence de l’homme.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 113; 300-301)
Sortie
La « sortie » est une technique qui permet l’étude du milieu local. En pédagogie Freinet, on ne se contente pas d’en faire une visite (qui laisse souvent la classe dans une situation passive) ni une illustration du cours, ni même une simple promenade. La démarche consiste à laisser du temps aux enfants, pour leur permettre d’interroger le monde qui les entoure en le regardant, en l’analysant, en exprimant leurs premières représentations. Il s’agit d’exercer le regard, de l’éduquer et de donner aux élèves des clés de compréhension.
Parfois, l’enseignant choisit un angle disciplinaire : on parle alors de « sortie à lunettes » ou de « balade disciplinaire ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 343)
Évènement
Fait imprévu qui, en pédagogie Freinet, déclenche un étonnement, une curiosité de la part d’un groupe d’élèves et dont la classe va se saisir pour construire des apprentissages dans une démarche de problématisation. Ce peut être le professeur qui, par son questionnement, fait naître un événement d’un fait banal.
L’entretien, le texte libre, la recherche mathématique, les sorties, les débats coopératifs… favorisent l’émergence d’événements.
L’exploitation pédagogique des événements est à la base de la pédagogie Freinet avec l’expression libre et la coopération.
[…] La sensibilité et l’expertise de l’enseignant jouent un rôle important pour saisir « au vol » ce qui peut devenir événement pour un groupe d’élèves ou pour la classe entière. Par ailleurs, il peut orienter le travail vers l’histoire, la géographie, les sciences, etc., suivant les besoins et les intérêts qu’il ressent chez ses élèves.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 172)
Outil
Un outil en pédagogie Freinet est un élément matériel (brochure, fichier, CD, clé USB, instrument, appareil…) ou un dispositif d’organisation et de régulation, qui permet à chacun d’être acteur de ses apprentissages, et au groupe de mener à bien ses projets.
Les divers outils matériels produits par l’ICEM, qu’ils soient édités ou non, peuvent être classés dans les catégories suivantes (avec les réserves relatives à toute classification : manque de nuances, difficulté de souligner les interactions) :
- des outils déclencheurs qui encouragent l’expression, la création, la libre recherche et les tâtonnements […];
- des outils de compétences qui permettent l’individualisation des apprentissages […];
- des outils d’acquisition ou d’entraînement […];
- des outils de travail en coopération […] ;
- des outils documentaires […] ;
- des outils de gestion et d’évaluation […].
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 259)
Problématisation
Problématiser, c’est construire un problème.
À la suite du Laboratoire de recherche coopérative de l’ICEM, on peut distinguer question et problème :
- une question se présente comme une sollicitation que l’on adresse à quelqu’un, en attente d’une réponse qui annule la question ; elle appelle donc une réponse directe, univoque, même si parfois elle requiert quelques précisions ;
- un problème se présente comme une question difficile, à la réponse incertaine ; les difficultés impliquées requièrent une discussion pour l’élaboration d’une solution. Le problème appelle non pas une réponse, mais un processus d’élucidation qui nécessite de prendre en compte la complexité du réel. Il ne s’épuise pas dans la réponse.
La pédagogie Freinet s’attache à problématiser les évidences, les conceptions premières dans les apports divers des enfants qui, mis en lien, constituent le point de départ du travail.
[…] En construisant un problème, on se sera arrêté sur un obstacle, « on aura opéré une mise à distance, fait un effort d’intelligibilité, effectué un saut dans l’inconnu et un travail de détour, élaboré un espace de questions expertes, engagé un processus de relance de la réponse vers un nouveau problème ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 289-291)
Recherche mathématique
Comme le calcul vivant et la création mathématique, la recherche libre est un des dispositifs de la Méthode naturelle de mathématiques. Cette pratique essaie de se rapprocher le plus possible de la pratique sociale de référence du mathématicien, de s’appuyer sur l’épistémologie des mathématiques tout en respectant le processus de tâtonnement des élèves. Elle commence par la construction d’un problème avec l’enfant (ou les enfants) puis, étape par étape, aboutit à la découverte d’une notion, d’une technique opératoire (experte ou non) ou d’une loi mathématique. Suivant le degré d’autonomie des enfants, la recherche mathématique libre peut se pratiquer en collectif avec la classe entière, en groupes, ou être individuelle en interaction avec le groupe-classe.
[…] Dans le dispositif classique des situations-problèmes, le maître ou le manuel apporte la situation initiale qui impulse la recherche mathématique. Dans la pratique de la recherche mathématique libre, ce sont les individus aidés par le maître ou le groupe-classe qui puisent cette situation initiale dans la vie de la classe (propositions d’enfants, correspondance scolaire, entretien du matin, présentations diverses, patrimoine mathématique de la classe…). Elle peut démarrer aussi par ce qu’on nomme « créations mathématiques », au cours d’une sortie mathématique… La recherche mathématique libre peut être considérée comme une illustration du tâtonnement expérimental.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 310-315)
Évaluation
En pédagogie Freinet, l’évaluation est conçue comme un moyen donné à chacun de se situer dans une progression, de marquer des réussites par rapport à soi, avec la reconnaissance du groupe. Par exemple, l’évaluation par brevets a comme finalité première une mise en valeur des savoirs (savoirs disciplinaires, savoir-être et savoir-faire) individuels et collectifs acquis. Les brevets ne se rapportent pas uniquement à des savoirs disciplinaires, mais aussi à des compétences utiles à l’enfant et à la classe (brevet d’inventeur, brevet de dessinateur, brevet d’imprimeur…).
Mais on peut aussi suivre au plus près la trajectoire de chaque élève et repérer les compétences mises en œuvre dans ses productions (créations, recherches) en les articulant aux exigences du référentiel.
En outre, il s’agit de stimuler la créativité par la mise au jour d’audaces et de donner de la valeur aux œuvres ou aux chefs-d’œuvre des enfants.
En somme, une évaluation positive, sur des savoirs vivants, et qui valorise d’abord les réussites, sans surexposer les manques.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 169)
Expression libre
Le terme expression qui, dans le langage courant, désigne la manifestation d’un sentiment, d’une pensée ou d’un ressenti par des mots, des gestes ou toute forme de production, est toujours associé, en pédagogie Freinet, à l’adjectif libre.
La liberté est capitale : c’est elle qui conditionne l’authenticité attendue des productions d’enfants – Freinet parle de profondeur – dans lesquelles se manifeste cette expression : texte libre, dessins libres, créations artistiques, mathématiques, scientifiques, poétiques, etc., et qui sont les points de départ des travaux et des apprentissages.
[…] L’expression libre se distingue de la spontanéité souvent identifiable à ce que Bachelard appelait le « n’importequisme » : elle est authentique, s’éduque au quotidien et dans toutes les disciplines, nécessite un accompagnement de la part de l’enseignant toujours à l’écoute, requiert souvent des transformations par la classe coopérative et se trouve être à la fois le reflet de la singularité de l’enfant et, de façon parfois maladroite mais prometteuse, celui du fonds commun de tous les hommes.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 178-179)
Entretien
Institution, dispositif pédagogique régulier qui permet des moments d’expression personnelle orale d’un élève devant la classe. Il a lieu le plus souvent le matin. Les enfants, suivant des modalités différentes selon les classes, sont invités à s’exprimer sur des sujets de leur choix, à présenter des objets ou des événements issus de leur univers personnel. Ceux-ci deviendront éventuellement des objets de travail individuel ou commun qui seront conservés dans le patrimoine culturel de la classe. L’entretien, appelé parfois aussi « Quoi de neuf », reconnaît la dignité du quotidien familier de l’enfant en l’accueillant sérieusement.
[…] Un des objectifs de l’entretien du matin est de s’appuyer sur l’apport des enfants pour les amener à réfléchir au-delà de l’apparence, au-delà d’un simple questionnement de type informatif. Il s’agit de faire en sorte que l’entretien ne se résume pas à une accumulation d’informations qui n’apporterait rien au niveau de la réflexion. Au contraire, ils apprennent à s’interroger sur le monde, même le plus banal d’apparence, et s’exercent à la problématisation coopérative.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 152)
Tâtonnement expérimental
Dans son environnement naturel, physique et social, l’enfant est, par nature, expérimentateur dans toutes ses activités. Il procède naturellement par un tâtonnement qui évolue par essais-erreurs au hasard vers des formes supérieures, plus élaborées, que Célestin Freinet désignait globalement par « tâtonnement expérimental » et qu’il considérait comme étant à la base des méthodes naturelles d’apprentissage.
Le tâtonnement expérimental se définit donc comme un processus naturel d’apprentissages personnalisés, qui engage l’action autant que la pensée, chez l’enfant comme chez l’adulte. Il s’exerce dans tous les domaines d’activité, mobilise les divers processus cognitifs et les opérations mentales habituellement mis en œuvre dans le fonctionnement de l’intelligence humaine. Ce processus permet à chaque individu, unique, de construire sa culture, dans un environnement donné, au sein d’un groupe coopératif avec lequel il tisse des liens d’apprentissage et de vie.
Le tâtonnement expérimental fonctionne de manière individuelle et collective, avec un double enjeu de connaissances et de pratiques sociales.
[…] Le tâtonnement expérimental se développe selon des phases presque immuables :
- impulsions créatrices et motivations (temps de l’événement, temps de regard de l’œuvre d’un pair, temps de l’expérience première) ;
- essais, reproduction ;
- émission d’hypothèses et problématisation ;
- vérification des hypothèses puis répétition d’actes réussis ;
- intégration, conceptualisation, évaluation ;
- modélisation.
C’est par la répétition d’expériences réussies dans un même champ d’activité, combiné au croisement, grâce à la coopération, d’expériences différentes, que le tâtonnement expérimental est consubstantiel à la Méthode naturelle d’apprentissage.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 346-347)
Dictée coopérative
Contrairement à la dictée classique, ce n’est pas une modalité d’évaluation de l’orthographe. C’est une technique d’apprentissage et d’entraînement qui met les élèves en situation de recherche par petits groupes ou en classe entière. À partir d’un texte dicté par l’enseignant au groupe – généralement un texte libre écrit peu avant –, les élèves confrontent leurs versions personnelles, mettent en jeu leurs savoirs et utilisent leurs outils pour parvenir à la bonne orthographe.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 118)
Présentation
Moment où les élèves sont invités à présenter leurs travaux à l’ensemble de la classe : texte libre, œuvre d’art, création musicale, recherche mathématique, conférence d’enfant, lecture de livre, pièce de théâtre… Ces présentations peuvent être inscrites dans le plan de travail. Le plus souvent, des plages quotidiennes de l’emploi du temps leur sont consacrées.
[…] En présentant leur travail, les élèves affirment leur statut d’auteur et leur place dans la production des savoirs. Ils prennent conscience de leur démarche et structurent leurs apprentissages.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 287)
Journal scolaire
Recueil à parution régulière de productions libres des enfants et de comptes rendus du vécu de la classe.
[…] Le journal scolaire se veut le reflet de l’expression et du travail de l’enfant, c’est-à-dire de ses intérêts, ses questionnements, ses créations, ses recherches. Il a pour première fonction de lui donner un statut d’auteur.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 222)
Recueil de textes
Édition, à périodicité plus ou moins régulière, des textes libres écrits par les élèves, destinée à la classe, aux parents, au village ou au quartier, aux correspondants… Les textes sont choisis soit par les auteurs, soit par le groupe. On parle, selon les cas, de recueil, d’album de vie, de journal de vie…
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 318)
Conseil
Moment de discussion collective régulier (souvent hebdomadaire) dans une classe Freinet. Il permet de gérer l’argent de la coopérative, d’évaluer les activités de la période écoulée et l’effectivité des responsabilités (métiers) de chacun, d’organiser le travail de la période suivante et la mise en œuvre des projets individuels et collectifs. Il régule d’autre part les relations entre les individus qui élaborent ensemble des règles de vie, remises en question si elles deviennent caduques. Les décisions prises sont toujours au service d’un meilleur fonctionnement de la classe pour que le travail puisse se réaliser.
Différents noms désignent ce moment : conseil, réunion de coopérative, conseil de coopérative…
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 82)
Travail individualisé
Forme de travail inséré dans les temps d’apprentissage, principalement pendant une plage de l’emploi du temps lors de laquelle les enfants sont attelés à des tâches qu’ils choisissent en fonction de leurs projets personnels ou besoins et qu’ils consignent sur leur plan de travail. On y trouve notamment des activités de création, d’expression : texte libre, préparation d’exposé, de conférence, recherche…, et des exercices d’entraînement en lien avec ces projets ou issus de temps de problématisations en temps collectifs et qui se font dans la plupart des classes à partir d’outils spécifiques, notamment les fichiers autocorrectifs ou programmés.
[…] Aujourd’hui, il est difficile d’envisager une classe fonctionnant en pédagogie Freinet qui n’ait pas, intégrées dans son emploi du temps, des plages de travail individualisé, ne serait-ce que pour offrir aux enfants la possibilité matérielle de réaliser leurs projets personnels et de travailler à leur rythme.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 368)
Atelier
Le terme désigne à la fois une organisation de la classe répartie en petits groupes – on parlera de travail en ateliers – et de l’activité qui s’y déroule – on parlera alors d’atelier cuisine, écriture, recherche, dessin, bois…
[…] En classe, pendant le temps scolaire, l’atelier répond encore à d’autres objectifs : faciliter les échanges entre enfants, les placer sur la voix de la socialisation et de l’autonomie, permettre aussi à l’enseignant qui travaille avec un petit groupe d’enfants de suivre chacun et d’être ainsi au plus près de son désir, en restant dans ses pas.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 29-30)
Patrimoine culturel de proximité
Ensemble des productions élaborées pendant le travail personnel et collectif, constituant une histoire commune, et partagées avec la classe, les parents, les correspondants…
En pédagogie Freinet, par les œuvres singulières qu’ils produisent et les savoirs qu’ils construisent coopérativement, les enfants-auteurs créent de la culture. Ce patrimoine peut se concrétiser sous différentes formes : œuvres d’art et textes libres affichés dans l’école, recueil de textes libres, cahier de français avec les règles de grammaire et d’orthographe découvertes ensemble, porte-vues ou cahier avec toutes les découvertes en mathématiques, exposés et conférences d’enfant réunis dans un album, un journal de classe quotidien… ou sous forme numérique dans un blog de classe ou d’école.
[…] Si ce patrimoine culturel de proximité est toujours nécessairement contaminé par l’environnement et divers éléments de la culture universelle à laquelle de toute façon il conduit, il constitue la référence constante et privilégiée de la pratique sociale de la classe, à cause notamment de la mémoire affective dont il est porteur.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 267)
Plan de travail
Dispositif pédagogique, le plus souvent sous forme de document papier, par lequel élèves et enseignant décrivent un parcours d’apprentissage dans un temps donné. Par exemple, pour un plan hebdomadaire individuel, chaque élève programme de façon négociée les diverses tâches qu’il se propose d’accomplir pour la semaine à venir. Le plan de travail combine d’une part projets personnels et projets de groupe, d’autre part besoins et nécessités.
Il est un outil d’organisation qui relie choix et capacités, ressources du milieu didactique et obligations scolaires. Il prend son sens dans le milieu coopératif que constitue la classe et s’inscrit dans l’emploi du temps (journalier, hebdomadaire, mensuel…). Chaque jour, des plages horaires sont consacrées au travail prévu dans le plan.
Le plan de travail vise l’autonomie, il engage et suppose la coopération.
[…] Le plan de travail est un document préconstruit ou non par le professeur. Il peut contenir du travail programmé, du travail individualisé sur fichiers (autocorrectifs ou non), du travail imposé à toute la classe (en relation avec une progression commune) et du travail libre, choisi par l’élève en négociation avec l’enseignant. Cette prévision s’inscrit dans le cadre d’un plan plus général, mensuel ou annuel (en rapport direct avec le programme).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 284)
Art
En pédagogie Freinet, l’art poursuit le même objectif que l’étude du milieu : appréhender le monde, l’habiter, l’influencer. Mais il ajoute quelque chose de nouveau à la culture commune de la classe : il transforme le regard sur le monde et sur soi-même et modifie les relations entre les élèves. « Ce qu’une œuvre d’art représente importe moins que ce qu’elle transforme » (Hubert Damisch, 1992, p. 168).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 29-30)
Règle de vie
Toute société, tout groupe humain a besoin de règles de vie pour fonctionner, pour survivre. La classe n’échappe pas à la « règle ». Mais contrairement à ce qui se passe d’ordinaire dans l’enceinte scolaire où le règlement intérieur cadre les comportements des usagers des lieux, en pédagogie Freinet, les règles de vie qui vont faire référence sont élaborées collectivement à partir des situations qui sont discutées au sein de l’institution conseil.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 322)
Stage d'enfants
La technique des stages d’enfants est intéressante pour faire connaître aux élèves une nouvelle activité : danse, musique, recherche mathématique, sculpture, etc.
En utilisant le temps, l’espace et le matériel nécessaires, l’activité choisie sera menée à terme sous la direction de l’enseignant. Une fois les bonnes pratiques acquises, cette activité pourra être pratiquée en autonomie par les élèves individuellement ou par petit groupe.
Conditions minimales
- Regrouper deux classes avec trois enseignants ou intervenants pour diminuer les effectifs habituels.
- Travailler sur quatre ou cinq demi-journées de classe à raison d’une demi-journée (matinée ou après-midi) par jour.
- Rassembler un maximum de matériel disponible dans l’école.
- Organiser une exposition des travaux en fin de stage.
Exemple : stage « Recueil de textes »
Le groupe n°1 écrit ses textes libres, le groupe n°2 travaille à l’illustration, le groupe n°3 travaille à l’ordinateur et au scanner pour insérer texte et illustration dans une page. Les groupes tournent et en fin de semaine, le recueil est terminé, prêt à être distribué. Par la suite, en classe, les élèves pourront utiliser ordinateur et scanner pour préparer leurs feuilles de recueil en autonomie.
L’expérience montre que trois stages d’enfants par année scolaire est un bon rythme pour dynamiser une école.
Marcel Thorel
Technique
Qui dit « technique » n’est pas éloigné de penser « activité manuelle ». C’est vrai aussi, au premier abord, quand il s’agit de la pédagogie Freinet : la technique de l’imprimerie, c’est aligner les petits caractères en plomb, manipuler la presse, relier les feuilles… Pourtant, même si cette pédagogie est dite matérialiste, même si Célestin Freinet œuvrait pour une réhabilitation à l’école du travail physique et manuel, décrire les « techniques Freinet » ne se réduit pas à dresser l’inventaire du matériel de la classe idéale et indiquer la manière de s’en servir.
Les techniques Freinet s’apparentent, selon les cas, à des outils, des procédés, des procédures, des démarches, des méthodes, des institutions, des formes d’organisation du travail, et bien souvent à tout cela à la fois. Elles sont abondamment évoquées ou décrites dans ce dictionnaire : c’est le texte libre, la correspondance, le journal scolaire, la réunion de coopérative, l’entretien, le plan de travail, la conférence d’enfant… liste non limitative, variable selon les praticiens, et toujours susceptible d’évolution.
Toutes n’ont pas été inventées par Freinet, loin s’en faut, mais toutes portent sa marque. Leur spécificité, c’est d’être intégrées à un système complexe et cohérent dont le liant est constitué d’un principe général : la Méthode naturelle, d’une orientation tenace : la visée émancipatrice, et d’un cadre organisateur : la classe coopérative.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 349)
Chef-d'œuvre
Le chef-d’œuvre est une production d’enfant-auteur aboutie, le plus souvent personnelle. Cette technique complète celle des brevets. Le chef-d’œuvre a fait l’objet d’une présentation au groupe et d’une évaluation, il est destiné à être communiqué (exposition, album de vie, recueil, journal…) et vient enrichir le patrimoine culturel de la classe. En pédagogie Freinet, certains chefs-d’œuvre peuvent également être collectifs.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 66)
Brevet
Outil d’évaluation des progrès et réussites des élèves, inspiré des brevets des Compagnons du Devoir et des brevets scouts qui sanctionnaient l’activité des jeunes éclaireurs de Baden-Powell. Le brevet est le plus souvent accordé après une évaluation par l’enseignant et/ou la classe, mais il peut l’être aussi à la suite des productions finalisées des élèves, en particulier à la suite de la réalisation d’un chef-d’œuvre, qui témoigne de l’acquisition d’une ou de plusieurs compétences.
Ce système remplace les outils d’évaluation traditionnels qui instaurent compétition et classement. Il permet de s’inscrire dans un mode de travail coopératif qui reconnaît à chacun compétences et savoirs, partagés ensuite et inscrits dans le patrimoine de la classe.
L’élève est invité à passer un brevet quand le maître le sent capable de réussir. Chez des enfants plus grands, c’est l’élève qui peut choisir le moment de passer l’épreuve.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 50)
Correspondance
Technique et institution parmi les toutes premières mises en place dans la classe par Freinet pour donner du sens aux apprentissages en y faisant « entrer la vie ». Il s’agit d’instaurer une correspondance écrite entre les enfants de deux classes plus ou moins éloignées. Les échanges se font de façon individuelle (chaque enfant correspond avec un autre) ou collective (envoi de travaux réalisés par l’ensemble de la classe), ou encore en associant les deux. Cette correspondance peut parfois déboucher sur un voyage-échange permettant aux classes de se rencontrer.
[…] Dans les classes Freinet, elle se pratique toujours par échange de colis postaux, au contenu semblable à ce qu’il était dans les premiers temps, mais elle peut aussi se pratiquer par courrier électronique. En général, les enseignants des deux classes passent un contrat concernant la fréquence des envois, leur contenu, la nature des échanges (correspondance papier ou numérique), leur qualité (présentation, soin, orthographe…). Les enseignants s’accordent aussi sur l’opportunité d’une ou de plusieurs rencontres appelées « voyages échanges ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 94)
Institutionnalisation
Dans une classe coopérative Freinet, […] l’institutionnalisation concerne autant la mise en place des institutions qui vont permettre l’organisation efficace du travail que celle des connaissances ou des compétences à acquérir à partir des découvertes et des productions des enfants. On parlera à ce propos aussi de formalisation ou de pause structurante.
Car si le principe même de la leçon disparaît de la classe Freinet, il importe de s’interroger sur la façon dont les savoirs vont être apportés, approfondis, stabilisés, transmis.
Autrement dit, ce qui « est une découverte du point de vue de l’élève qui la fait (et de ceux qui apprennent de lui) » se transforme en apprentissage, par l’action conjuguée de la classe coopérative et de « l’enseignant qui, le moment venu, [institutionnalisent] la découverte comme savoir désormais reconnu, appartenant à la mémoire didactique et au patrimoine de proximité de la classe.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 209)
Mise au point de texte
Moment collectif et coopératif au cours duquel la classe s’attelle aux différentes transformations ou améliorations à apporter au texte libre d’un enfant, portant sur la forme (orthographe, ponctuation, conjugaison, style, vocabulaire) et sur le fond. On parle parfois aussi de « toilettage de texte ».
[…] Outre la clarté et la précision de la langue, qui favorisent une communication aisée, l’objectif de ce moment est de donner au texte une puissance optimale et ainsi de produire une œuvre, comme Freinet nommait les productions d’enfants parvenues à leur qualité maximale.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 245)
Conférence d'enfant - Exposé
Pratique courante en pédagogie Freinet, la conférence d’enfant est souvent confondue avec l’exposé. Or elle s’en distingue par la complexité du questionnement posé. Alors que, dans un exposé, l’enfant communique à ses camarades tout ce qu’il a appris sur un sujet qui l’intéresse (par exemple : la libellule), il tente dans une conférence de répondre à une problématique qui nécessite une approche plus fouillée, plus nuancée (par exemple : comment les oiseaux parviennent-ils à voler ?).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 77 ; 178)
Enquête
En pédagogie Freinet, l’enquête est un mode d’investigation régulièrement pratiqué à la suite de moments de classe tels que l’entretien ou la sortie. Des questions émergent qui vont susciter la recherche de réponses par les élèves dans leur environnement proche (parents, professionnels divers…) ou plus éloigné (spécialistes…).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 147)
Recherche documentaire
La recherche documentaire est inhérente à la pédagogie Freinet. L’enfant s’exprime, s’interroge, expérimente, sort pour découvrir son milieu proche ou plus lointain et recherche des éléments pour connaître et pour comprendre. Il consulte de la documentation et en crée : « En pédagogie Freinet, la documentation doit apporter des réponses aux questions que les enfants se posent, et pas seulement celles que l’on voudrait qu’ils se posent. Prenant les enfants au sérieux, elle doit leur permettre de comprendre ou d’approcher les grands problèmes du monde » (Michel Barré, 1983, p. 40).
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 306)
Organisation - Milieu
« Tout ce avec quoi l’élève interagit, que ce soit des problèmes, des objets [y compris les objets de savoir] ou des individus » (Reuter, 2007, éd. 2013, p. 50).
En pédagogie Freinet, le milieu éducatif est complexe, organisé selon des principes coopératifs. Il est agencé comme un ensemble fonctionnel de dispositifs, techniques, institutions, (inter)actions, qui laissent cependant place à l’événement arrivant dans la classe et donc à l’incertitude. Il est ainsi conçu pour favoriser le déploiement du désir de créer et d’apprendre par le tâtonnement expérimental.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 258; 242)
Communication
En pédagogie Freinet, c’est la mise en relation des individus en vue d’échanger des informations ou des travaux. Dans la classe, chacun sait que les productions réalisées pendant les moments de travail personnel vont être proposées au groupe, pour être revues ensemble et pour apporter à tous un savoir communicable.
[…] Quand il s’agit d’un échange plus large, par la correspondance notamment, la communication ouvre sur la vie extérieure, qui nourrit la curiosité et engage des questionnements.
Enfin, la coopération, par la résolution pacifique des conflits, l’écoute et un travail authentique, instaure des relations apaisées entre les individus.
Toutes les techniques de la pédagogie Freinet s’appuient sur la communication : l’entretien du matin, les conférences, le conseil de coopérative, mais aussi la correspondance et le texte libre.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 72)
Éthique
On peut dire, bien que son fondateur n’ait pas explicitement utilisé ce mot, que la pédagogie Freinet est une éthique. Entendons par là, conformément à l’un des sens du mot êthos en grec, « une manière d’être », ou « une manière de vivre ». Elle est l’art de vivre la meilleure vie possible. Elle s’occupe de répondre à la question « comment (bien) vivre ? », à la différence de la morale, qui définit l’ensemble de nos devoirs.
La pédagogie Freinet est une sagesse (Freinet, 1947a, éd. 1994, I, p. 28), mais qui refuse le mysticisme et le spiritualisme, c’est une sagesse matérialiste. Elle ne se définit pas par rapport à un but vers lequel elle tend (par exemple le bonheur pour Aristote), mais comme processus de vie, du point de vue de « l’expérience permanente et complexe » (1950a, éd. 1994, I, p. 587). Elle est vécue comme variation de puissance, comme recherche de la puissance la plus grande et la plus harmonieuse, comme besoin « à tous les degrés et à tous les âges, de croître, de monter, d’acquérir la puissance pour réaliser sa destinée » (p. 586). Le moyen de cette conquête est le travail.
Il convient de préciser que cette éthique est corrélative d’un engagement politique radical (anticapitaliste). C’est à bon droit qu’on pourrait qualifier la pédagogie Freinet de « sagesse révolutionnaire ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 164)
Culture
En reconnaissant la dignité et la valeur de l’apport de l’enfant dans la construction des différents savoirs et compétences à acquérir à l’école, la pédagogie Freinet s’inscrit dans une démarche d’accueil multiculturel : elle intègre les cultures premières, qu’Edgar Morin nomme « culture[s] de masse, de nature ethno-sociologique », généralement méprisées par l’élite, comme elle intègre la culture savante, « culture cultivée, normative-aristocratisante » (E. Morin, 1969, p. 6), celle que l’école a pour mission traditionnelle de transmettre.
Issues de leur propre culture, les productions des enfants sont interrogées et travaillées par le groupe coopératif, et vont construire un « patrimoine de référence, un « patrimoine de proximité » qui constitue la culture vivante de la classe à partir de et grâce à laquelle les élèves peuvent s’intéresser au « patrimoine universel » ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 107)
Méthode naturelle
Ce qu’il faut donc entendre par « Méthode naturelle », c’est en réalité le « processus d’apprentissage complexe » dans toutes les disciplines enseignées à l’école. C’est une manière d’apprendre par tâtonnement expérimental. En classe, ce processus de tâtonnement prend sa source dans l’accueil des productions libres des enfants et vise la conquête des savoirs par la transformation de ces productions et le travail coopératif (le plus souvent en problématisant). Les réussites de ces tâtonnements sont alors instituées en techniques de vie. La Méthode naturelle englobe toutes les techniques Freinet (texte libre, correspondance, conférences d’enfant, réunion coopérative, etc.) qui entrent à son service.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 240)
Auteur
La pédagogie Freinet postule que l’enfant peut devenir dans une large mesure auteur de ses processus d’apprentissage. Porté par la reconnaissance de ses pairs et la confiance du professeur, il prend le risque de la création et du travail, parce qu’il en aperçoit les avantages pour lui, et parce qu’il peut agir sur les conditions de ce travail ; il en a la responsabilité dans le groupe. Mais il n’est pas laissé à lui-même dans cette aventure, et le maître ne se contente pas d’accueillir l’expression première des enfants : son rôle consiste à favoriser le passage du spontané à l’intentionnel, à faire advenir une intention d’auteur – intention d’écrivain, de mathématicien, d’historien, d’artiste peintre…
Par ailleurs, il y a lieu de ne pas confondre « enfant auteur » et « enfant acteur », expression chère aux pédagogies actives. Sommairement, l’enfant acteur joue une partition écrite pour lui par quelqu’un d’autre, alors qu’en pédagogie Freinet, l’enfant auteur écrit et joue pour lui-même sa propre partition […] Précisons que dans une classe Freinet, les enfants endossent les deux postures selon les moments.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 32-33)
Travail
Notion centrale pour Freinet, comme le montre le titre de son ouvrage L’éducation du travail (1947a), dans lequel le travail est présenté comme agent principal dans le processus éducatif et non plus seulement comme objectif à atteindre. Il ne s’agit pas, en effet, d’appréhender l’activité comme extérieure à l’enfant mais bien de construire une pédagogie à partir d’une composante inhérente à l’être humain : le besoin d’être, d’exister, de progresser par son travail.
Reste à définir ce que Freinet entend par travail.
Pour lui, le travail doit toujours répondre au besoin naturel qu’a l’enfant de grandir et de faire des conquêtes. Il est en lien avec une production, et « procure de ce fait une satisfaction qui est par elle-même une raison d’être » (1947a, éd. 1967, p. 210).
Freinet distingue ce travail de ce qu’il nomme la besogne, « tâche qu’on accomplit seulement parce qu’on vous y oblige » (ibid.). Celle-ci peut relever davantage de l’exercice d’entraînement et peut s’imposer d’elle-même à l’enfant dans le but d’ancrer, par la systématisation, des savoirs ou des compétences dont la maîtrise aidera aux créations (aux œuvres) dans lesquelles il s’engage dans les différents domaines. C’est ce qui se passe en travail individualisé lorsque l’enfant s’exerce sur des fiches de consolidation.
En pédagogie Freinet, les deux activités ne sont pas comparables, même si elles sont complémentaires et nécessaires.
Enfin, pour Freinet et ses successeurs, « le travail ne doit pas être un travail pour rire, mais une activité véritable, fondée tout à la fois individuellement, scolairement et socialement ».
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 365)
Autonomie
Dans une classe Freinet, la première forme d’autonomie consiste, pour l’enfant, à devenir capable de reconsidérer avec distanciation le savoir et les règles fixés par le milieu social et par le milieu naturel. L’autonomie ne s’y déploie véritablement que dans le cadre d’un travail autodéterminé qui s’appuie en grande partie sur le désir de produire de la pensée personnelle, manifeste dans les textes libres, les recherches ou tout autre support d’expression. On associe ce concept à celui de responsabilité : l’élève, dans son processus d’autonomisation, est appelé à prendre de plus en plus de responsabilités dans l’organisation et la vie de la classe.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 39)
Processus
En pédagogie Freinet, ce concept essentiel comprend :
- des cheminements singuliers entraînant des transformations de l’individu, de ses représentations, de ses savoirs et de sa vision du monde ;
- un processus général dans lequel s’insèrent les cheminements singuliers : c’est le processus universel du tâtonnement expérimental.
La dialectique entre cheminements singuliers et processus général définit le processus d’apprentissage en pédagogie Freinet.
[…] L’étude montre qu’un élève impliqué dans un processus personnel authentique ne se lasse pas et projette son activité dans le temps long. Il ne réalise pas une tâche ponctuelle mais s’inscrit de façon créative dans son propre devenir. […] L’élève s’installe progressivement dans un mouvement qui le mobilise le désir de façon toujours plus subtile et profonde, non dans une tâche scolaire formelle et obligatoire, mais dans une aventure personnelle et singulière.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 294)
Procédure
Démarche liée à une technique ou une institution et qui s’appuie sur un rituel, un ensemble de règles et de procédés, ainsi que sur un dispositif. Les procédures s’inscrivent dans une temporalité, et peuvent être très diverses selon les situations et les classes.
Les enseignants ont toujours mis en œuvre des procédures, mais dans la pédagogie Freinet, celles-ci doivent s’effacer devant les processus singuliers des enfants au service desquels elles ont été mises en place, par l’enseignant ou par le conseil des enfants. Ainsi, si la procédure, qui est toujours préétablie par rapport à l’activité, est trop contraignante, elle imposera une cadence au détriment du rythme propre à chaque enfant : c’est le risque induit par toute programmation. « Donner la primauté aux processus, c’est faire rupture avec le modèle dominant de la programmation (qui donne la primauté aux procédures) ».
[…] Procédure et processus sont comme deux ordres inséparables : la procédure organise les conditions concrètes des interactions (institutions, emploi du temps, techniques, etc.) sans lesquelles les processus se dissoudraient dans des fluctuations stériles, mais la primauté revient au déploiement des processus de désir et de connaissance dans la communication qui légitime en retour les procédures.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 292)
Motivation intrinsèque
Selon la théorie de Deci et Ryan (1985) sur les motivations autodéterminées, c’est la motivation intrinsèque qui s’associe aux conséquences les plus favorables : comportementales, cognitives et affectives.
- La motivation intrinsèque : l’activité est réalisée pour le plaisir et la satisfaction qu’elle procure en elle-même.
- La motivation extrinsèque : l’activité est réalisée pour atteindre un objectif qui lui est extérieur (recevoir une récompense, éviter une punition, obtention de l’approbation d’une tierce personne).
Créativité
La créativité, définie « comme un certain rapport à la production, consistant à faire advenir quelque chose qui ne lui préexiste pas, et qu’on ne peut pas déduire de ce qui est », est consubstantielle à la pédagogie Freinet. Elle est une composante nécessaire à la plupart des productions originales des enfants, à leurs recherches et leurs découvertes, quelle que soit la discipline, et, plus globalement, à tous les travaux qui s’appuient sur le tâtonnement expérimental.
[…] Le premier enjeu consiste à développer la puissance créative naturelle de l’enfant, dont il aura besoin tout au long de sa vie, notamment dans un monde en perpétuelle évolution, et qui requiert donc des capacités d’adaptation rapide.
Le second réside dans le fait que, à l’exact opposé de ce que propose l’école, génératrice souvent d’ennui et de décrochage, le travail créatif provoque chez l’enfant une concentration, un tel désir de réalisation qu’il peut y travailler des heures en développant des compétences et des savoirs (qu’il aurait autrement eu bien plus de mal à acquérir), tout en construisant un rapport au travail empreint de jubilation profonde.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 105-106)
Émancipation
« Dans la pédagogie Freinet, l’émancipation se caractérise par la réappropriation que le sujet fait de son corps et de sa puissance d’agir et de penser pour sa propre libération. Cela doit passer par la capacité de remettre en cause certaines évidences, de revisiter ses croyances et ses choix pratiques. L’émancipation est alors un processus de transformation de soi et non une conversion à des normes et à un ordre établi » (LRC, 2017a, p. 18).
Il n’est pas de techniques, outils, institutions, démarches de la pédagogie Freinet qui ne soient agis par la visée émancipatrice, tant ce concept a été déterminant dans la genèse et l’histoire de cette pédagogie.
Cette émancipation traverse plusieurs champs, dont la maîtrise de la parole, l’émergence de l’esprit critique, le développement de la puissance de vie de l’enfant, et surtout la remise en question de toute forme d’autorité coercitive.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 142)
Coopération, coopératif(ive)
Étymologiquement, la coopération est le fait de partager un travail. Dans une classe Freinet, c’est l’activité conjointe des élèves en vue de réaliser un travail choisi et utile à tous. L’enjeu de la coopération est la création : création de connaissances par le texte libre, la conférence d’enfant, la recherche… et création de pratiques sociales par l’élaboration de règles de vie.
Le mot évoque aussi l’atmosphère résultant de cette activité, climat de classe associant l’attention à l’autre, le respect, la solidarité. La coopération s’oppose à la compétition. Elle se distingue aussi de la collaboration, et procède d’un art de vivre ensemble.
Mais, « par la coopération, chacun travaille également pour tous, et tous doivent pouvoir trouver les moyens d’accéder aux connaissances dont chacun est l’auteur. De ce fait, l’autre, c’est un auteur, comme moi, c’est « l’alter ego, […] celui par qui je me laisse altérer, influencer, transformer ». C’est aussi celui à qui je m’associe pour créer une œuvre commune. Avec la coopération, on assiste à une mutualisation des puissances de vie, personne n’étant amené à exercer son pouvoir au détriment des autres.
Laboratoire de Recherche Coopérative de l’ICEM-Pédagogie Freinet. (2018). Dictionnaire de la pédagogie Freinet. ESF Sciences humaines. (p. 88-91)
Entrée par les activités
Activités d’expression libre
♦ orales : entretien, quoi de neuf ?
♦ écrites : texte libre
♦ artistiques : théâtre, mimes, marionnettes, musique, danse, arts plastiques et visuels…
Activités de recherche
problématisation, tâtonnement expérimental
♦ étude du milieu : conférence, exposé, enquête, classe promenade…
♦ recherche mathématique libre
♦ mise au point collective de texte libre, dictée coopérative
♦ institutionnalisation des connaissances
Activités de communication
♦ au sein de la classe / de l’école, présentation des travaux : recherche, texte libre, conférence, exposé, exposition…
♦ à l’extérieur de l’école : journal scolaire, correspondance, recueil de textes…
Organisation coopérative de la classe et/ou de l’école
♦ conseil de coopération : projets et bilans, règles de vie, responsabilités
♦ travail individualisé, travail collectif, travail de groupes
♦ importance de l’organisation matérielle : techniques, outils (plan de travail, documentation, fichiers, entraînement…)
♦ ateliers, stages d’enfants, sorties…
♦ construction du « patrimoine culturel de proximité »
Entrée par différentes dimensions
Politique
Philosophique
Rapports :
♦ primauté du désir / éducation du désir
♦ puissance de vie / apprentissage
♦ importance de l’évènement
♦ éthique, art de vivre
Pédagogique et didactique
♦ enfant auteur
♦ primauté des processus sur les procédures
♦ éducation du travail